La gare

Le cancer, ça c'est une maladie. Presque respectable. Parce qu'on ne cherche pas à l'avoir, ça vous tombe dessus sans que vous n'ayez jamais rien demandé, putain. Mais le sida, ça. C'est une autre histoire. Tu l'as bien cherché, combien de fois ai-je lu cette phrase massacrante dans les pensées. D'avoir joué avec le feu, de m'être approché trop près du désir, du plaisir. Comme tout le monde, en fait. Sauf que moi, j'ai eu ce que je méritais.

Je crois me souvenir du garçon par qui c'est arrivé. Je crois seulement. Dans cette gare, il m'avait approché, regardé, invité. Moi, je découvrais. Je découvrais ma nouvelle sexualité, l'autre sexualité. Et j'avais envie, de plus en plus. Et de moins en moins avec les filles. Je ne comprenais pas encore tout. J'avais 22 ans. Il m'a fait l'amour. Sans préservatif. Et au fond, je savais que je ne devais pas. Je connaissais les risques. Mais on pense toujours que ça n'arrive qu'aux autres, que ce n'est pas arrivé jusque dans votre ville. L'épidémie est encore loin, j'ai encore un peu de temps devant moi.

Je ne saurai jamais si c'est vraiment comme ça que c'est arrivé. J'ai fait plusieurs fois l'amour sans capote. C'est comme un remords, c'est trop tard. C'est avant qu'il fallait y penser. Je ne pourrai jamais remonter le temps et réécrire l'histoire. Ce qui est fait est fait.

Le passé n'est plus là. Moi si.